Le mot du directeur artistique

INSPIRE

Edito Pascal Bertin min GrandeDe même que Picasso a révolutionné l’histoire de la peinture, en s’inspirant de sculptures africaines ou d’art océanien, en musique, la modernité la plus extrême s’appuie sur des sources jugées à l’origine «archaïques», «populaires» ou «primitives». Philippe Albèra « Les leçons de l’exotisme », Cahiers d’ethnomusicologie, 9 | 1996, 53-84.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles tous les arts s’emparent avec enthousiasme des cultures exotiques. Peinture, littérature, opéra-ballet, nouveautés culinaires. Une mode chasse l’autre, le roman de chevalerie laisse sa place aux Mille et une nuits, le conte philosophique permet de voyager sans quitter la cour et l’on se damne pour le café, le chocolat et autres épices venues du bout du monde.

Soixante-six années séparent la turquerie du Bourgeois Gentilhomme (Lully) des Indes Galantes (Rameau) pendant lesquelles se développe une fascination pour l’ailleurs, le lointain qui attire et effraie tout à la fois, un Orient rêvé qui se soucie peu de géographie et englobe la moitié de la planète.

En Europe, Telemann est subjugué par les musiques traditionnelles de Silésie (Pologne) tandis que tous les compositeurs s’entichent des Folies d’Espagne dont on trouve l’origine au Portugal au XVe siècle. De Marais à Vivaldi en passant par Bach, le succès est universel. À l’époque classique, Mozart triomphe avec sa Marche turque, Beethoven et Haydn arrangent de nombreuses mélodies d’Irlande ou d’Écosse, plus de quatre cents pour le second alors qu’il n’y a jamais mis les pieds. Mais c’est au XIXe siècle que l’orientalisme va s’imposer. À tel point que Victor Hugo écrira dans la préface des Orientales en 1829 que « l’Orient est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale ». Si Rossini, en héritier de ses prédécesseurs, présente encore un Orient un peu bouffon au début du siècle, Saint-Saëns avec Samson et Dalila, Bizet avec Les pêcheurs de perles ou Verdi avec Aïda montreront toute la fascination de l’époque pour l’exotisme.

Cette saison vous fera donc voyager. Du sud de l’Italie au Moyen-Orient, en passant par l’Europe centrale, l’Irlande, la Chine, l’Espagne, l’Écosse, la Scandinavie, l’Amérique du Sud, et les régions de France pour des spectacles festifs et virtuoses.

Le mythe du « bon sauvage » cher à Rousseau a beaucoup fait pour la popularité de l’exotisme. En ces temps d’incertitudes sur l’avenir, cette idée d’un humain innocent, proche de la nature, retrouve une considération certaine.

INSPIRE sonne comme un manifeste. On y entend l’inspiration artistique mais également le geste de vie, l’acte réflexe de la prise d’air, le rêve d’une nature retrouvée, en phase avec les priorités environnementales du Festival.

Pascal Bertin, directeur artistique

Photo : © DR

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